Alan Bate est fier d'offrir l'entrée de son musée à tous, à Chiang Khong (© Jérôme Decoster).

Alan Bate est le plus rapide à faire le tour du monde à vélo

Depuis cinq ans, Alan Bate est le recordman du plus rapide tour de la Terre à vélo. 29 500 km avalés en 125 jours, 21 heures et 45 minutes. Dans son musée en Thaïlande, son pays d’adoption, cet Anglais de Liverpool expose sa passion pour le cyclisme et annonce son nouveau défi : battre quinze records du monde.

« Si j’avais voulu devenir un grand professionnel, j’aurais dû me doper, je n’étais pas assez doué génétiquement. » Alan Bate, 50 ans, fait preuve de franc parler et d’humilité en parlant d’un sport qu’il connaît sur le bout des pédales depuis ses 13 ans. « Quelques jours après ma première sortie en deux-roues, j’ai assisté à une course, se remémore cet ancien joueur de rugby. Je me rappelle le son des pneus sur le bitume, j’en ai encore des frissons. J’ai su ce jour-là que j’étais fait pour le vélo. »

Ce souvenir marque le début d’une belle carrière en 3e division. « J’ai terminé 5e des 24 Heures britanniques », une course sans interruption. Son régime végétarien le pénalise lors des ravitaillements. « J’aurais dû terminer sur le podium », soutient le compétiteur. Aujourd’hui, le vélo de ses exploits de jeunesse trône fièrement dans son musée, aménagé dans son bar à Chiang Khong, dans le nord de la Thaïlande. Quand il passe devant, le cycliste l’embrasse. « Ce vélo est à la retraite mais c’est de loin celui que je préfère ici. Quand je pense que cela fait 25 ans que je ne suis pas monté dessus ! »

Devant l’affiche qui vante son plus grand exploit, Alan Bate embrasse fièrement le vélo gris de sa jeunesse (© Jérôme Decoster).
Devant l’affiche qui vante son plus grand exploit, Alan Bate embrasse fièrement le vélo gris de sa jeunesse (© Jérôme Decoster).

Recordman du monde depuis cinq ans

À côté de ce vélo gris de marque française, de nombreux autres petits trésors parsèment le musée : des deux-roues de toutes sortes, du plus bizarroïde au plus profilé pour le contre-la-montre, des photos en noir et blanc des premiers Tour de France de l’histoire ou encore des unes de L’Équipe qui racontent ses étapes préférées de la Grande Boucle. Il se souvient notamment de ce jour où Carlos Sastre a gagné l’étape du 19 juillet 2003, à Ax 3-Domaines. Le coureur espagnol n’avait pas pu assister à la naissance de son fils et, sur la ligne d’arrivée, avait sorti une tétine pour célébrer sa victoire. « Ça m’a fait chialer », lance ce grand émotif.

Mais l’homme au crâne chauve et au sourire communicatif n’a pas connu des émotions que dans sa jeunesse ou devant sa télé. En 2010, à 45 ans, il devient le recordman du tour de la Terre le plus rapide à vélo. Un record, toujours homologué aujourd’hui par le Guinness, de 29 500 km engloutis en 125 jours. Soit plus de 235 km de moyenne par jour dans une vingtaine de pays, de la Malaisie à la France en traversant l’Australie ou encore les États-Unis d’Ouest en Est. Après un parcours semé de routes chaotiques, le natif de Liverpool a terminé la boucle, le 4 août, à 15 h 15, à l’endroit où il l’avait commencée : Bangkok.

L'itinéraire approximatif d'Alan Bate qui a traversé une vingtaine de pays (Infographie Ouest-France).
L’itinéraire approximatif d’Alan Bate qui a traversé une vingtaine de pays (Infographie Ouest-France).

La Thaïlande a été le seul pays motivé pour le soutenir dans son incroyable défi. « C’était impressionnant, les policiers avaient coupé la circulation dans certaines rues de la capitale, le palais royal était fermé au public et toutes les chaînes de télévisions diffusaient l’arrivée en direct. » Les 2 500 personnes présentes pour l’accueillir à l’arrivée lui ont mis du baume au cœur. « Je me suis vraiment senti quelqu’un d’important. »

Mais après trois semaines à enchaîner les cabarets et autres festivités liées à sa célébrité naissante, il se remet en question. « Ce n’était pas pour moi. » Il troque son vélo pour se consacrer entièrement à son « Hub pub », créé quelques mois avant son record du monde. « Hub » signifie « moyeu » en anglais, la partie centrale de la roue. « De mes 45 à 50 ans, j’ai fait la fête et vécu comme un adolescent », s’amuse-t-il.

Maîtres de l’endurance

Il faut dire que le chemin qui l’a mené à la Thaïlande n’est pas un long fleuve tranquille. À 40 ans, il rame. « J’ai vécu une séparation très difficile. » Il achète un billet d’avion tour du monde pour démarrer une nouvelle vie. Mais son passage en Thaïlande ne le laisse pas indifférent et il décide vite de s’y installer.

Alan Bate admire les gens simples de ce pays, mais pas seulement. L’Anglais voue un véritable culte au roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej, neuvième roi de la dynastie des Rama au pouvoir depuis bientôt soixante-dix ans. Dans un autre registre, le roi aussi détient un record. « C’est le seul dirigeant du monde à être né aux États-Unis », aime préciser le champion. L’admiration d’Alan Bate pour un roi qui symbolise l’unité nationale l’a sans doute rendu populaire auprès des Thaïlandais, mais elle n’en est pas moins sincère. « Comme moi, le roi est un environnementaliste qui promeut l’autosuffisance. Par rapport à son statut, il vit relativement simplement et n’a jamais quitté la Thaïlande depuis quarante ans. » À l’intérieur de son palais royal, on trouve même une ferme bio. De son côté, Alan Bate privilégie la marche, s’offusque du gaspillage et recycle autant qu’il peut.

Bhumibol Adulyadej est le roi de la Thaïlande depuis 1946 ! Alan Bate, comme de nombreux Thaïlandais, l'admire beaucoup (© Jérôme Decoster).
Bhumibol Adulyadej est le roi de la Thaïlande depuis 1946 ! Alan Bate, comme de nombreux Thaïlandais, l’admire beaucoup (© Jérôme Decoster).

« Les vrais héros à l’arrière de la course »

Quand il roule, il contemple la nature. Mais ces cinq dernières années, il n’a plus tout à fait le physique d’un athlète de haut niveau. Le cyclisme, c’est surtout à la télé. « Chaque été, pendant les trois semaines du Tour de France, je ne gagne plus beaucoup d’argent avec mon pub, explique ce fan de Laurent Fignon, double vainqueur de la Grande Boucle. J’allume la télé pendant toute la durée des étapes et éteins la musique. » Son intérêt pour le sport professionnel ne le rend pas aveugle pour autant. « Pour moi, le cyclisme pro n’a malheureusement pas changé ces dernières années. Pour que le sport devienne propre, il faudrait qu’il ralentisse. Aujourd’hui, l’objectif d’une équipe de vélo n’est pas de gagner avec panache telle ou telle étape, mais de vendre les produits du sponsor. »

L’une des solutions consisterait à revenir aux prémisses du Tour de France. « À l’époque, le dernier de la course, la lanterne rouge, était aussi populaire que le vainqueur. » Question de logique pour Alan Bate. « Quand vous êtes devant, l’adrénaline vous fait avancer. Mais en queue de peloton, quand vous êtes blessé ou que vous cherchez juste à rallier la ligne d’arrivée, c’est beaucoup plus difficile de finir la course. Les vrais héros se trouvent plutôt à l’arrière. »

15 records en ligne de mire

Lui a préféré réaliser ses plus grands exploits non pas dans le peloton, mais seul. Aujourd’hui, cinq ans après son record du monde, il décide de se remettre en selle. Après un an de remise en forme, il va s’attaquer à quinze records du monde. Le plus prestigieux : pédaler du Caire au Cap, une petite trotte de 10 450 km, en moins de 62 jours. « Je pense que je peux le boucler en 52 ou 55 jours », annonce-t-il confiant.

Si la célébrité ne convient pas à Alan Bate, les défis ambitieux le font avancer. Sans se prendre pour un autre. « Les héros modernes ne sont pas les sportifs car les exploits réalisés sont des exploits égoïstes. Quand je m’attaque à ces records du monde, je le fais pour moi. »

Jérôme DECOSTER

Cet article a été publié le lundi 18 janvier 2016 dans L’édition du soir, de Ouest-France.

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