Laprak

Un an après le séisme au Népal, ces villageois se reconstruisent seuls

Le 25 avril 2015, un séisme d’une magnitude de 7,9 sur l’échelle de Richter frappait le Népal, faisant près de 9 000 victimes. Le village de Laprak, à sept kilomètres de l’épicentre, a été dévasté. Un an après la catastrophe, les habitants ne comptent que sur eux-mêmes pour s’en sortir.

Un an après le séisme au Népal, les villageois de Laprak ont reconstruit plus de 80 % des maisons (© Jérôme Decoster).
Un an après le séisme au Népal, les villageois de Laprak ont reconstruit plus de 80 % des maisons (© Jérôme Decoster).

Kanchi mime une course folle sur le palier de sa petite maison de pierres, à Laprak. « A la moindre secousse, je sors de la maison en courant. » Les yeux rougis, la tête coincée entre ses mains, elle raconte la pluie mortelle de pierres et de bois qui a emporté 25 personnes dans son village de près de 4 000 habitants. Il a été dévasté comme tous ceux de la région de Gorkha, située près de l’épicentre du tremblement de terre. Ce 25 avril 2015, Kanchi met toutes ses forces pour sortir Anne-Charlotte des décombres. Suivant le flot de villageois, la jeune-femme à l’épaule fracturée et Kanchi se réfugient à Gupsi, terrain à 2 800 mètres d’altitude situé à deux heures de marche au-dessus de Laprak. C’est le début d’une longue attente de l’aide internationale. « Quatre jours sans couverture », frissonne Kanchi.

Yam Kumarri, l’infirmière du village, se souvient bien de ces villageois, amis et enfants qui avaient besoin d’elle. Après le drame, elle s’est installée à Gupsi, sous un de ces nombreux abris de tôles et de bâches estampillées Oxfam, Uk aid, ou encore Care. Depuis, l’infirmière descend deux fois par semaine à Laprak avec des médicaments pour aider les plus âgés, incapables d’avaler la pente abrupte jusqu’à Gupsi.

Un village coupé en deux

Après avoir affronté les pluies diluviennes de la mousson et un hiver glacial à Gupsi, les villageois sont redescendus sur leur Laprak dévasté. Objectif : tenter de reprendre une vie « normale ». « Le travail est à Laprak, dans les champs. A Gupsi il n’y a pas de travail, des problèmes d’eau potable et il fait trop froid, résume Tulé, un habitant. De décembre à février, la température peut diminuer jusqu’à -20°C. En plus, il n’y a pas assez de place à Gupsi pour accueillir tout le monde », ajoute le jeune père de famille.

Des centaines d'abris en tôles parsèment le terrain de Gupsi, à deux heures de marche de Laprak (© Jérôme Decoster).
Des centaines d’abris en tôles parsèment le terrain de Gupsi, à deux heures de marche de Laprak (© Jérôme Decoster).

Kissan, l’un des chefs du village, s’accroche pourtant à la perspective d’une nouvelle vie là-bas. « Les gens qui veulent rester à Laprak ont oublié ce qui s’est passé. Moi non. Je ne veux pas revivre ça. » Le danger est réel à Laprak, construit sur un ancien glissement de terrain. Pour protéger les enfants, l’école temporaire faite de tôles à été installée à Gupsi, moins risquée. « Il faudrait une piste praticable pour relier les deux parties du village », estime Tulé. Une solution pour que les trois enfants de Sarita n’arrivent plus épuisés à l’école, après deux heures de marche. 240 des 600 élèves vivent toujours à Laprak et endurent l’aller-retour tous les jours. « C’est fatiguant pour eux, il y a beaucoup d’absentéisme », raconte le professeur Tul Bahadur, qui lui aussi choisit le vieux village dès que sonne l’heure des vacances scolaires.

« Tout peut s’écrouler à nouveau »

Dans les ruelles étroites animée par les rires des enfants et ceux des femmes aux lavoirs,  difficile de croire qu’un tremblement de terre est passé par là. Les villageois ont rebâti environ 80 % des maisons en l’espace d’un an, un peu moins hautes qu’avant mais sans aucun matériau parasismique. « On réutilise les pierres qui sont tombées, de la terre pour consolider, du bois de sapin et de la tôle pour la toiture », détaille Tulé. « S’il y a un autre séisme, tout peut s’écrouler à nouveau, se désole Nathalie Despas, fondatrice de l’association Humanlaya. Mais il faut bien que les Laprakis aient un toit. »

Il aura fallu seulement trois jour à ces villageois pour reconstruire une maison à Laprak (© Jérôme Decoster).
Il aura fallu seulement trois jours à ces villageois pour reconstruire une maison à Laprak (© Jérôme Decoster).

Cette reconstruction est officiellement illégale. Les villageois n’ont en principe pas le droit d’entreprendre les travaux avant une phase d’étude en cours, qui devrait aboutir ce 25 avril 2016. « Le gouvernement fait un recensement des familles éligibles à une aide de près de 2 000 euros. Si les villageois reconstruisent eux-mêmes, ils n’y auront pas droit », précise Jimmy Ng Yuk Shing, de l’ONG Architectes et développement.

Des milliards bloqués par le gouvernement

Le manque de transparence sur les critères d’éligibilité et l’absence de publication sur les premiers résultats de l’étude laissent les associations sceptiques sur la bonne foi d’un gouvernement « corrompu » qui a reçu des sommes astronomiques de l’étranger pour rebâtir, dont les villageois n’ont encore jamais vu la couleur. Les ONG espèrent que la pression internationale débloque la situation après une année marquée par le changement de constitution népalaise et un blocus indien de six mois.

En un an, l’aide de l’Etat aux Laprakis s’est limitée à « 18 morceaux de tôles par maison », témoigne Suk, 70 ans. La moitié du nécessaire pour rebâtir un foyer. « Si le gouvernement veut aider, tant mieux, sinon, tant pis », lâche-t-il avec le sourire. Plus loin, un garçon de 5 ans tombe violemment sur une pierre puis se remet debout, sans broncher, le regard dur. Les Laprakis ont su se relever d’un tremblement de terre historique et survivraient sans doute à une nouvelle catastrophe. Peut-être pas Laprak.

Aurélie BACHELEY et Jérôme DECOSTER

Article à retrouver en dernière page de l’édition Ouest-France du lundi 25 avril 2016

 

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