Un véritable parcours du combattant pour obtenir le visa pour l'Inde.

Comment la Révolution française m’a offert un visa pour l’Inde

Chaque pays dispose de ses propres règles et de ses tarifs obscurs pour laisser les touristes pénétrer sur leur territoire. Comme lorsque notre ami canadien a dû payer 10 dollars de plus que nous pour entrer au Laos. Mais la procédure pour rentrer en Inde remporte la palme du casse-tête, surtout quand on est journaliste.

Coup dur dès mon arrivée au Myanmar. Il est possible de traverser la frontière entre l’Inde et le ce pays, mais pas l’inverse, sauf si on détient un permis spécial du gouvernement au prix dissuasif. Dont acte. Résigné à prendre l’avion, je m’attaque à la paperasse pour obtenir mon visa. Les frais s’élèvent à 40 dollars flambant neufs. Si les billets ont un semblant de pliure, une petite marque de stylo, ils ne seront pas acceptés au consulat de Mandalay.

Formulaire en ligne mais pas de wi-fi

Après dix minutes d’attente, mon mental est déjà mis à rude épreuve. Il faut remplir un formulaire en ligne. Mais autour du consulat, il n’y a pas de wi-fi. Je prends le taxi pour atteindre une minuscule boutique poussiéreuse où s’entassent de vieux documents. Le commerçant tape sur internet mes coordonnées. Quand vient la question de l’emploi, j’évite les mots « journaliste » ou « au chômage », qui nous ont joué des tours dans d’autres pays d’Asie. C’est décidé, je serai étudiant en histoire. Ça sonne bien. Mais je n’avais pas idée de ce que cela impliquait.

Grand Oral à la sauce « Robert Spier »

Retour à la case départ deux heures plus tard. Une fois admis dans le bureau du consulat, un homme m’invite à m’asseoir. Le sourire aux lèvres, il commence son interrogatoire. « Qu’est-ce que vous étudiez en histoire ? » Je lui réponds au taquet sans avoir imaginé une telle question : « J’écris une thèse sur la Révolution Française. » « Et qui sont les leaders de la Révolution ? » Robespierre, Danton, la guillotine… Je lui donne à boire et à manger.  Je fais même un peu de zèle et rectifie l’orthographe des noms sur le petit bout de papier du fonctionnaire, histoire que l’instigateur de la Terreur ne devienne pas « Robert Spier ». « Est-ce que la France a véritablement obtenu la démocratie ensuite ? » Je l’embobine avec le Consulat et l’Empire de Napoléon, les IIe et IIIe République. Pour la première fois de ma vie, ma formation à l’Institut d’études politiques, autrement appelé « Sciences Pipo », se montre utile : c’est-à-dire ne rien savoir faire mais être capable de parler de tout.

« Qu’allez-vous faire pour rendre le monde meilleur ? »

Il en veut encore le fonctionnaire. Cette fois, le Grand Oral prend une tournure presque philosophique. « Est-ce que vous pensez que les Hommes apprennent de leur Histoire ? Ou reproduisent-ils les erreurs du passé ? » Il me teste, indéniablement, mais semble aussi prendre du plaisir à discuter. « Et vous, qu’allez-vous faire pour rendre le monde meilleur ? » Je ne soupçonnais pas qu’il fallait avoir une ambition si noble pour passer un mois en Inde… L’entretien dure 15 minutes, au bas mot. Plutôt satisfait de ma prestation, je suis vite ramené à la raison. L’homme a terminé de prendre des notes mais continue de sourire : « Si tout va bien, votre visa sera prêt dans trois jours. Mais ne réservez aucun billet d’avion avant d’avoir obtenu votre visa. »

Trois jours plus tard, j’attends le résultat dans le hall du consulat, avec cette dernière phrase qui résonne dans ma tête. Plus stressé que le jour du Grand Oral de Sciences Po, car cette fois je ne pourrai pas retenter ma chance trois mois plus tard. Je patiente 20 minutes, 30 minutes, une heure. Sceptique, je rentre dans un bureau et un sourire m’accueille. Il n’y a plus qu’à prendre photo et empreintes. Ouf ! La plus grande démocratie du monde a finalement décidé de m’ouvrir ses portes.

Le Thésard en histoire

Retrouvez cet article sur le Huffington Post.

8 réflexions sur “Comment la Révolution française m’a offert un visa pour l’Inde

  1. Il y a longtemps , ( en 1985) , j’avais moi aussi obtenu un visa pour me rendre en Inde. Sur mon passeport, pour la profession, je n’avais évidemment pas noté  » journaliste », mais  » imprimeur ». Cela ne m’avais valu aucune remarque de la part de l’administration indienne. Même pas un petit interrogatoire sur la date de la découverte de l’imprimerie par Gutemberg…

  2. Il faut aller demander un passeport pour l’Inde pour discuter de la Révolution française et comment rendre le monde meilleur… c’est tout de même formidable comme anecdote ! Bravo le thésard !

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