Des dizaines d'ONG ont déposé leurs bâches à Gupsi, peut-être le futur lieu de vie des Laprakis.

Laprak et sa désorganisation non gouvernementale

Le tremblement de terre du 25 avril 2015 au Népal a détruit le village de Laprak à 90 %. Aujourd’hui, il se reconstruit entre le vieux Laprak et Gupsi, terrain plus sécurisé en cas de nouveau séisme. L’aide internationale, désorganisée et inefficace, ne facilite pas la reconstruction selon Tulé Gurung, guide de montagne lapraki.

Tulé, guide de montagne, est aussi un villageois engagé (© Jérôme Decoster).
Tulé Gurung, guide de montagne, est aussi un villageois engagé (© Jérôme Decoster).

Qu’avez-vous pensé de l’aide internationale d’urgence à Laprak après le séisme ?

Malheureusement, l’aide est uniquement concentrée sur Gupsi (par ordre du gouvernement, ndlr). Quatre ou cinq mois après le séisme, par exemple, Oxfam a installé des toilettes et de l’eau potable. Mais la source d’eau est trop faible. Du coup, Care Népal a eu un nouveau projet pour acheminer de l’eau et a demandé à Oxfam d’aller travailler ailleurs. Sauf que le projet n’aboutit pas. Care Népal se contente juste de nous fournir le matériel nécessaire pour aller chercher de l’eau. Mais on n’en a pas assez. Les ONG ne s’entendent pas entre elles. Si elles pouvaient travailler ensemble ce serait mieux.

La semaine dernière, une association est venue distribuée une couverture par foyer, est-ce une aide utile pour les Laprakis ?

Toutes les associations viennent donner des couvertures et des bâches, mais elles font ça pour se faire de la publicité. Quand ils viennent les distribuer, ils interdisent de prendre des photos. Ils veulent maîtriser leur communication.

Cela reste-t-il une aide nécessaire ?

Oui mais c’est un don juste dans l’urgence, pas pour le futur. Après, ces ONG abandonnent le village.

Il y a quand même des associations qui sont implantées à Laprak depuis longtemps…

Oui parfois elles travaillent bien. Mais, par exemple, l’association qui avait construit notre école (aujourd’hui détruite, ndlr) veut la reconstruire toute seule, et garder le prestige pour elle. Elle ne veut pas qu’une autre association participe. C’est dommage parce que si plusieurs associations s’y mettent, c’est plus rapide de développer le village.

Est-ce dû à un problème de communication entre la population et les associations ?

Nous on veut accepter tout le monde. Mais les codes entre les associations sont difficiles à comprendre pour nous. On arrive quand même à signer des contrats pour tel ou tel projet, mais parfois l’association ne va pas jusqu’au bout.

Elles s’arrêtent par manque de fonds ?

On ne sait pas comment l’argent est dépensé. Il faut montrer les factures pour connaître les dépenses exactes. Sinon, il n’y a pas de confiance entre les villageois, le comité (qui dirige le village, ndlr) et les associations.

Est-ce que les villageois parlent de ces problèmes avec les associations ?

On a une différence de culture importante. Les villageois vont venir se plaindre du problème auprès de moi mais ils ne vont pas oser en parler au chef du village ou à l’association, par peur des conséquences. On ne veut pas se fâcher, on ne veut pas vexer les autres.

Quelles sont les solutions pour améliorer la situation ?

Je veux que tout le monde travaille ensemble et que l’on partage nos expériences. Quand on a un projet de développement, les chefs du village choisissent un habitant par quartier. Mais ces derniers ne discutent pas avec les autres et, parfois, ils se prennent des commissions. Ils doivent montrer les factures avec le tampon du magasin pour certifier. On a besoin de plus de règles ici, établies soit par le gouvernement soit par le comité. On a besoin de transparence. On a besoin de savoir.

Propos recueillis par Jérôme Decoster

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