© Yannick Borit

« Les moines bouddhistes sont les psys des pauvres »

Originaire de l’Ile de Ré, Yannick Borit vit au Myanmar depuis 18 ans. Dans son pays d’adoption, ce quadragénaire cultive son amour de la photographie, et depuis peu, celui du 7e art. Il est le réalisateur d’Inthar (« Le fils du lac »), un docu-fiction sélectionné au festival des films du Monde de Montréal il y a deux ans. Cet adepte du bouddhisme y délivre son regard sur la vie au monastère.

Le Français Yannick Borit vit au Myanmar depuis 18 ans. Il est à la fois restaurateur, photographe et réalisateur.
Le Français Yannick Borit vit au Myanmar depuis 18 ans. Il a réalisé Inthar, un docu-fiction sur la vie en monastère bouddhiste.

Vous avez cohabité avec des moines à plusieurs reprises au Myanmar. Que retenez-vous de cette expérience ?

Je me suis retiré dans un monastère proche du lac Inle pendant une semaine à chaque fois. D’abord, j’y suis allé parce que je ne pouvais plus supporter mon beau-père birman de l’époque. J’avais besoin de retrouver une paix intérieure. La deuxième fois, c’était avec un de mes amis qui voulait être accompagné pour ses derniers jours à vivre. Et la troisième fois, parce que je souffrais des tensions dans mon couple.

Le bouddhisme m’a appris qu’aimer trop fort c’est souffrir, qu’il est possible de se détacher matériellement et spirituellement pour voir la vie autrement. J’ai trouvé un apaisement, notamment en parlant beaucoup avec le chef moine. Ça pourrait me reprendre, sur un coup de tête !

© Yannick Borit
© Yannick Borit

Votre expérience de moine vous a inspiré pour réaliser Inthar, présenté au festival de Montréal il y a deux ans…

En effet. Je voulais vraiment  faire un film sur la vie d’un moine. C’est une fiction car il y a une histoire d’amour inventée mais en même temps un documentaire grâce aux éléments de reportage. L’avantage de mixer les deux genres est que je peux à la fois délivrer mon message et celui des personnages de mon film qui informent le public sur la culture bouddhiste.

Via une histoire d’amour et de paternité, j’appuie l’idée de détachement, j’explique que rien n’est éternel dans la vie. Et je peux en même temps montrer les « coulisses » du bouddhisme, comme ces jeunes moines novices qui, malgré la robe, reste des gamins avec leurs rêves. Ils partent du monastère en douce pour aller voir un match de foot, s’amusent dès que les moines ont le dos tourné…

© Yannick Borit
© Yannick Borit

Qui sont ces jeunes qui intègrent le monastère ?

Ils sont souvent issus de familles nombreuses et pauvres. Six, sept, huit enfants… Les parents les envoient au monastère pour qu’ils aient un minimum d’éducation et deviennent des hommes. C’est pour eux plus un passage qu’un véritable engagement. 75 % de ces jeunes reviennent à la vie civile avant 14 ans.

Souffrent-ils de l’absence de leurs parents ?

Au monastère, j’ai senti que certains étaient en manque d’amour. Imaginez passer sept ans de votre enfance seul…  C’est dur. Le chef moine est très à l’écoute et tendre avec eux, mais il doit tenir ses distances. Heureusement, les règles du monastère sont beaucoup moins nombreuses pour un novice que pour un moine adulte, peu contraignantes et les erreurs sont tolérées.

© Yannick Borit
© Yannick Borit

Quel regard portez-vous sur le bouddhisme qui semble profondément imprégner la vie des civils au Myanmar ?

J’ai le sentiment que les moines sont vraiment les psys des pauvres. Il y a des rites à respecter mais le bouddhisme est plus un état d’esprit global. Les croyants font très souvent des donations pour entretenir leur « karma », comme ils disent.  Mais il ne faut pas croire que tout est rose dans cette religion. Il y a la même hypocrisie que dans toutes les autres religions. En France, on dit bien qu’il existe plus chrétien que les vrais chrétiens. C’est pareil en Birmanie. J’ai connu des bouddhistes racistes, d’autres géniaux. On est tous égaux.

Propos recueillis par Aurélie BACHELEY

4 réflexions sur “« Les moines bouddhistes sont les psys des pauvres »

  1. Je viens à l’instant de voir le film au french touch au myanmar et juste wow quel beau film touchant et esthétiquement magnifique et humain….bien fière que ma ville Montréal a choisit ce film en 2014. Merci !!!!

  2. Tres beau film que nous avons eu la chance de voir au « Frenchtouch » en février dernier (Myanmar).
    Nous avons hâte de voir le suivant sur nos écrans en France, et peut être du côté du Pouliguen !
    Avis aux distributeurs !!!!

  3. J’ai découvert le film Inthar lorsque Yannick Borit l’a présenté à Paris. J’ai été éblouie par les images et les paysages. Ce film fait preuve d’une grande authenticité sur la vie des moines en Birmanie et les conditions humaines. Je pense que cette authenticité est liée au vécu du réalisateur, elle témoigne aussi d’une grande sensibilité. Et nous savons tous que les plus grands artistes sont dôtés de cet atout majeur qu’est la sensibilité. Alors je crois que derrière les caméras il y avait avant tout l’oeil d’un artiste !

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