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Sai, une vie guidée par les montagnes de Sapa

Sai, une fluette femme de 20 ans, porte les habits traditionnels de sa tribu, les Black H’mong. Des couleurs sombres agrémentées de quelques touches pétillantes. Nous retrouvons cette guide au départ de Sapa, ville touristique au nord du Vietnam. Ses parents éleveurs ont beau être fiers de sa réussite, elle « n’aime pas vraiment ce métier », lance-t-elle avec le large sourire qu’elle adopte comme point final de chacune de ses phrases. La jeune femme a choisi d’être guide car elle « aime parler avec les gens » mais « certains touristes ne parlent pas beaucoup ».

Sai enlèvera ses vêtements traditionnels une fois à l’abris du regard des touristes.

Comme les autres villageoises, Sai est capable de leur lancer un doux « Bonjour » en dix langues différentes. En anglais, elle sait tenir une conversation même s’il faut tendre l’oreille pour la comprendre. A l’école elle n’a étudié que le vietnamien. « Sans cette langue, on ne pourrait pas communiquer », souligne Sai au moment où l’on croise deux femmes d’une tribu voisine.

« Personne ne se préoccupe d’être riche ou pauvre »

La jeune Black H’mong gagne 200 000 dong vietnamiens (environ 8 euros) pour nous conduire deux jours au milieu des rizières en terrasse qui jonchent chaque pan de montagne. A l’hôtel, nous avons pourtant payé l’équivalent de 23 euros chacun pour cette excursion. Si elle estime gagner peu d’argent pour ce travail, la jeune femme assure qu’ « aucun villageois ne se préoccupe d’être riche ou pauvre ». Elle souhaite juste subvenir à ses simples besoins.

Pendant quelques heures, nos pas dérapent sur des terrains glissants tandis que l’agile jeune femme, chaussée de petites baskets en toile rouge, semble flotter au dessus de la boue. Elle pointe du doigt les rizières coupées depuis septembre, montre les plantes médicinales ou encore les milliers de petites fleurs indigo. Celles-ci donnent la couleur principale aux vêtements des Black H’mongs.

Les rizières épousent les courbes des montagnes.
Les rizières épousent les courbes des montagnes. (© Jérôme Decoster)

Après trois heures de marche depuis Sapa, nous atteignons Lao Chai. Sai vit depuis toujours dans ce village qui compterait 2000 habitants. Elle quitte l’école à 14 ans et devient guide deux ans plus tard. « Je fais ça deux ou trois jours par semaine. Mon mari reste à la maison et s’occupe des enfants pendant ce temps-là. » Il y a Dung, 3 ans, et Cường, 2 ans, qui lui manquent quand elle part plusieurs jours en trek.

A 17 ans, Sai se marie avec Su, un homme de son village. « Ce n’est pas possible de faire autrement », glisse-t-elle simplement. Ce jour-là, le jeune homme a dû payer une dot de 5 millions de dongs (200 euros) au père de Sai. « Les parents peuvent refuser le mariage s’ils pensent que ce n’est pas assez. Certaines familles reçoivent 15 ou 20 millions de dongs pour leur fille. 5 millions, ce n’est pas beaucoup… » Pourtant, le père a dit oui. « Il aime bien mon mari », lance-t-elle le regard malicieux.

Sai quittera-t-elle ses paisibles montagnes un jour ? Ça ne fait pas partie de ses plans. Pas question d’évoquer une ville comme Hanoi, où « il y a beaucoup trop de monde », avance-t-elle au cœur de la forêt de bambous que nous traversons, sur le chemin du retour vers Sapa.

Aurélie Bacheley

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